Arlésienne du cinéma français après le très remarqué 99F en 2007 et avec sa suite littéraire, Au secours pardon, pour terreau fertile d’une nouvelle histoire : L’Idéal arrive enfin ! Le monde de la publicité mis de côté, c’est celui du luxe et de la beauté qui subit ici les attaques grinçantes de Frédéric Beigbeder. L’auteur redevient cinéaste le temps d’un second film qui partage avec le premier son acteur principal Gaspard Proust. Du beau monde pour une réussite ?
Synopsis :
L’ancien concepteur-rédacteur Octave Parango de « 99 francs » s’est reconverti dans le « model scouting » à Moscou. Cet hédoniste cynique mène une vie très agréable dans les bras de jeunes mannequins russes et les jets privés de ses amis oligarques… jusqu’au jour où il est contacté par L’Idéal, la première entreprise de cosmétiques au monde, secouée par un gigantesque scandale médiatique.
Notre antihéros aura sept jours pour trouver une nouvelle égérie en sillonnant les confins de la Russie post-communiste, sous les ordres de Valentine Winfeld, une directrice visuelle sèche et autoritaire.
Entre les réunions de crise à Paris, les castings à Moscou, une élection de Miss en Sibérie, une fête chez un milliardaire poutinien et une quête des « new faces » aux quatre coins de l’ex-URSS, le fêtard paresseux et la workaholic frigide vont apprendre à se supporter et peut-être même à se sauver.
Critique :
« Beigbeder, assagi, pour une comédie légère au tranchant émoussé »
Octave Parango s’est reconverti dans le « model scouting » à Moscou. Jeunes mannequins russes et jets privés rythment son quotidien nouveau de chasseurs de têtes… jusqu’au jour où L’Idéal, première entreprise de cosmétiques au monde, secouée par un gigantesque scandale médiatique, le contacte à la recherche urgente d’une nouvelle égérie.
L’Idéal se vend ainsi comme un film dans la lignée de son prédécesseur. Un casting-triangle de pointures (aux côtés de Proust, Audrey Fleurot et Jonathan Lambert métamorphosé), d’abord. Et les tacles qu’il promet, ensuite : faire le portrait de violences systémiques avec les armes qu’elles emploient. Sur 99F, c’était l’œil d’esthète de Jan Kounen autant que l’interprétation de Jean Dujardin qui conférait à l’ensemble sa profondeur. La narration clipesque à la première personne, le claquement de l’écriture en punchlines, une imagerie clinquante et faux-trash.
Ainsi, on est d’autant plus surpris par la timidité de L’Idéal que le monde du luxe se prêtait à l’exercice autant que celui du marketing. Le film se contente pourtant de dialoguer avec le vulgaire (nazis, drogue, FEMEN : le compte est bon), jouant trop rarement de contrastes et trop souvent de potache pour dépasser les évidences. Quand il ose égratigner la maison-mère de laquelle il détourne le nom, c’est avec un tranchant émoussé. Quand il joue les hallucinés dans une villa Moscovite, c’est avec une fantaisie tiède. Quand il parle sexe & transgression, c’est sans le sel du roman qui l’inspire.
L’Idéal sait pourtant réserver sa part d’incisif, mais l’adresse aux hommes et aux femmes de son récit. Avec un regard presque impudique, le film mobilise une galerie de personnages plus inspirés que sa toile de fond ou que l’intrigue qui les lie. Audrey Fleurot (quoiqu’elle doive marcher sur les traces d’une Meryl Streep en Prada) entretient une alchimie fascinante et volontairement bavarde avec le tiédi Gaspard Proust (quoique les empreintes qu’il suive, lui, ait été oscarisées entre temps). Jonathan Lambert épate, incarné dans un rôle comique sur-mesure. Comme si le Beigbeder effronté d’Au secours pardon, assagi, avait voulu adoucir le radical & le social pour mieux parler mœurs individuels.
L’Idéal ne tient donc pas tant de la charge virulente & dynamitée aux moneyshots qu’il promettait en réclamant sa parenté avec le film de Jan Kounen : il s’affirme en revanche comme une comédie dramatique légère. Sentiments et apparences sont autant de thèmes traités avec amertume, le cul pris entre les chaises d’un auteur indigné et d’un cinéaste plutôt rangé. Et qui aurait abandonné l’idée de jurer avec le paysage filmique pour au contraire, s’y confondre. Au risque d’en décevoir : mission accomplie.
1.5/5
L’Idéal de Frédéric Beigbeder avec Gaspard Proust, Audrey Fleurot et Jonathan Lambert. En salles le 15 juin…
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